Un milliard de dollars pour le «tram-train» de la Rive-Sud
Bruno Bisson
La Presse
Le projet de «tram-train» reliant la Rive-Sud au centre-ville de Montréal par l'estacade du pont Champlain coûtera 1 milliard de dollars aux gouvernements du Québec et du Canada, si l'Agence métropolitaine de transport (AMT) obtient le feu vert pour son aménagement.
Après avoir complètement disparu des écrans radars durant presque trois ans, ce projet de " système léger sur rail " (SLR) devrait bientôt revenir au premier plan de l'actualité alors que l'AMT publiera enfin ses études commandées en 2001, qui ont déjà coûté 12 millions et qui ont presque trois ans de retard.
La Presse a appris que les études d'affluence réalisées par l'AMT ont révélé un potentiel de près de 25 000 passagers par jour pour ce train électrique de type " tram ", dont le trajet initial devait partir du stationnement incitatif Chevrier à Brossard, et suivre l'autoroute 10 jusqu'au fleuve.
Structure surélevée
Le train franchirait le Saint-Laurent en empruntant l'estacade, construite à l'ouest du pont Champlain. Cette estacade, qui est de propriété fédérale, rejoint la berge, du côté de Montréal, mais s'arrête à hauteur de la Voie maritime du Saint-Laurent. Pour aménager son train, l'AMT devrait donc faire construire une structure surélevée, offrant le même dégagement au-dessus de la Voie maritime que le pont Champlain. Les coûts de ce pont ferroviaire accapareraient plus du tiers des coûts du projet, selon nos sources.
Malgré son coût, et malgré la construction de cette infrastructure qui aurait un peu l'air d'un immense dos d'âne de métal, le projet de tram-train de l'autoroute 10 deviendra " la " priorité de l'AMT après l'inauguration du métro de Laval (prévue pour juillet 2007), et la réalisation d'un train de banlieue dans l'est de Montréal, pour lequel une réponse est attendue de Québec d'ici la fin de l'année.
L'autre projet de tramway étudié par l'AMT, sur l'avenue du Parc, au coeur de la ville de Montréal, devrait aussi sortir des boules à mites. Le projet de tramway urbain ferait la liaison entre la gare Jean-Talon, où débarquent la plupart des usagers de la ligne de train de banlieue de Blainville, et le centre-ville de Montréal. Des études qui ont coûté 600 000 $ sont complétées et pourraient être publiées avant l'été.
Prévision décevantes
Selon les données obtenues par La Presse, les prévisions d'affluence pour ce tram seraient un peu décevantes, du point de vue de l'AMT, à seulement 11 500 passagers par jour. Une telle affluence pourrait être jugée trop faible pour justifier la construction d'un équipement lourd de transport collectif dont le coût est estimé entre 400 et 450 millions.
La recommandation de l'AMT quant à la faisabilité ou non de ce projet pourrait être importante pour les deux projets de tramways, et pour les relations entre l'AMT et la Ville de Montréal, qui n'ont jamais été faciles.
Ère de vaches maigres
Dans une sortie inattendue faite en début de semaine, à Paris, après une rencontre privée avec son homologue parisien, Bertrand Delanoë, le maire Gérald Tremblay a fait mention de ce projet dans la liste des dossiers dont il souhaitait la réalisation. L'AMT étant plus intéressée par le projet de tram-train que par le tramway du Parc, et les sommes nécessaires pour la réalisation des deux projets n'étant pas évidentes à trouver en cette ère de vaches maigres pour les transports en commun, les tramways pourraient devenir une autre pomme de discorde pour les relations entre Montréal et Québec.
Par ailleurs, l'AMT n'a pas l'intention de s'impliquer dans la réalisation du projet de tramway " récréotouristique ", actuellement en développement à la Société du Havre, et qui fait aussi partie des projets chéris par le maire.
Le dernier des projets de tramways souhaités par le maire Tremblay suivrait la rue Notre-Dame, dans l'est de Montréal, entre l'autoroute 25 et le centre-ville de Montréal, et serait probablement implanté dans l'emprise de cette grande artère métropolitaine, quand celle-ci passera de quatre voies de circulation (actuellement) à huit voies, d'ici 2012.
Lors de l'annonce de la reconstruction de cette rue dysfonctionnelle en juin 2004, par le maire Tremblay et le premier ministre Jean Charest, le projet d'autoroute présenté, qui coûterait quelque 750 millions, comportait des voies réservées aux autobus. Mais il n'avait pas été question d'un tramway, même si la présence de cette infrastructure aurait rehaussé l'aspect " boulevard urbain " d'un projet routier qui fait davantage penser à une grande autoroute de banlieue.