Publié le 12 mars 2012 à 10h21 | Mis à jour à 10h21
Un édifice patrimonial à préserver
IMACOM, JOCELYN RIENDEAU
La Tribune
C'est avec plaisir que j'ai appris que la Ville de Sherbrooke entame des procédures contre le propriétaire de l'ancien édifice de la Banque canadienne de commerce, à l'angle King et Wellington dans La Tribune de mardi dernier. Il y a deux ans, Antoine Sirois, Jacques Foisy et moi-même avions formé un petit comité ad hoc pour sensibiliser les élus et la population de la ville de Sherbrooke à ce qui nous apparaissait comme un cas flagrant de négligence volontaire concernant ce bâtiment patrimonial. Notre démarche, signalée à l'époque dans La Tribune par le journaliste David Bombardier, avait suscité de la part du propriétaire de l'édifice quelques interventions que je qualifierais de «cosmétiques». Depuis, plus rien.
Ceux qui, comme moi et Antoine Sirois, ont grandi à Sherbrooke dans les années 1940 peuvent témoigner de l'importance de ce magnifique édifice qui était situé, à l'époque, au coeur stratégique de la ville. C'était le carrefour le plus animé de la ville et, avec son imposante façade aux monumentales colonnes corinthiennes, l'édifice présidait fièrement à toute cette effervescence.
L'état de délabrement de l'ancienne Banque canadienne de commerce m'est apparu encore plus flagrant lors d'une récente visite à Québec. Au carrefour des rues Saint-Pierre et Saint-Paul, la CIBC avait érigé, en 1915, un édifice semblable à celui de Sherbrooke. Voici la description qu'en fait l'historien de l'architecture, Claude Bergeron, dans son livre : Architecture du XXe siècle au Québec, au chapitre 1, «Sous le signe de la confiance et du pouvoir, 1890-1929».
«Les banques ont aussi apporté beaucoup de soin à la construction de leurs succursales. Souvent ce sont des édifices imposants, même s'ils sont de dimensions relativement modestes. Toujours, ils présentent une image de dignité, surtout par leur conception classique. La succursale de la Banque Canadienne de Commerce, au coin des rues Saint-Pierre et Saint-Paul dans le quartier des affaires à Québec, ne déroge sûrement pas à cette règle. Elle fut construite en 1915 suivant les plans de l'architecte de la Banque, V.D. Horsburg. Elle est en calcaire de Deschambault, à l'exception de la base et des colonnes qui sont en granit gris. À l'entrée stratégiquement située à l'angle d'une rue, le portique arrondi procure une ouverture de 90 degrés. L'ordre de pilastres doriques qui confère de la monumentalité aux façades s'y transforme en quatre colonnes cannelées pour rappeler le célèbre Tivoli Corner de la Banque de Londres.»
La succursale de Québec présente beaucoup de similarités avec celle qui nous préoccupe, tellement qu'on peut affirmer qu'il s'agit du même architecte. Toutefois, on trouve d'intéressantes variantes sur l'édifice de Sherbrooke, dont l'utilisation de l'ordre corinthien pour les chapiteaux des colonnes et d'un parapet sur le toit qui lui donne encore plus de monumentalité.
Voici ce qu'en dit Le Guide historique du Vieux Sherbrooke, publication de la Société d'histoire de Sherbrooke :
Carrefour King et Wellington : Carrefour par excellence du centre-ville, le croisement de ces deux artères n'a pas de nom particulier. [...] Au coin nord-est se dresse le grand édifice de pierre de taille de la Banque Canadienne de Commerce (1920). D'influence classique, la bâtisse présente un porche à colonnes et pilastres de style corinthien. Avant 1920, la banque possédait déjà, à cet endroit, un édifice plus modeste qui fut, de 1900 à 1912, une succursale de la Eastern Townships Bank.
Lorsqu'on voit l'ancienne Banque impériale de commerce de Québec, aujourd'hui recyclée en édifice à bureaux et maintenue dans un excellent état de conservation, cela rend encore plus flagrant la détérioration de l'édifice qui fait l'objet de votre mise en demeure.
Je félicite la Ville de Sherbrooke, par la voix de son conseiller du centre-ville, Serge Paquin, d'avoir abordé avec rigueur et détermination, un dossier qui perdure depuis plusieurs années. Nous souhaitons que votre intervention permette que cet édifice patrimonial trouve enfin une vocation qui lui redonnera son lustre d'antan et qu'il demeure une composante importante du centre-ville de Sherbrooke.
Monique Nadeau-Saumier, Ph.D.
Historienne de l'art et de l'architecture
http://www.cyberpresse.ca/la-tribune...7_section_POS1
Voici l'édifice de Québec auquel elle fait référence.
http://maps.google.ca/maps?hl=fr&ll=...16451682129329